Le périple de Maxime en Normandie se poursuit. Après une présentation du voyage, la visite à Caen du Mémorial, un parcours des plages du débarquement, notre guide s’arrête au Centre Juno Beach (site officiel).
Le Centre Juno Beach : Un musée en quête de son identité
Une fois arrivé à Courseulles-sur-Mer, nom du village où se situe le musée consacré aux soldats canadiens , je dois contourner l’odorant port avant de pouvoir me stationner à proximité du Centre Juno Beach. Ma curiosité me pousse à explorer autour du musée plutôt que d’y entrer tout de suite. Côté Ouest, se trouve un petit « jardin » de croix commémorant les soldats tombés lors du débarquement de Juno Beach. Je me suis surpris à rester silencieux, signe de respect envers ces soldats, pour la plupart morts entre 18 et 24 ans. Autre temps, autres mœurs, c’est ce que dit l’expression, non ? Côté Nord, deux pièces d’artillerie sont en place et donnent du caractère (pour ne pas dire de la virilité) à l’entrée du musée. Je vois bien qu’il y a un bunker et que les plages ne sont pas trop loin, mais je préfère visiter le musée avant d’aller plus en avant.
Une fois à l’intérieur, je suis accueilli en français par une jeune dame à l’accent anglophone. (Désolé, son nom m’échappe, mais bien sympathique.) Deux visites sont possibles. Premièrement, la visite du musée en soit, ou une visite guidée à l’extérieur dans laquelle un guide nous explique différentes choses sur le Centre, le débarquement et les soldats canadiens. J’ai choisi de tout faire et j’ai particulièrement apprécié la visite du bunker et du centre de commandement allemand, ancien bastion inclus dans le Mur de l’Atlantique. (Merci au guide Adam pour les explications!)
J’ai été étonné d’apprendre que le musée de Juno Beach n’existe que depuis une dizaine d’années. Comment est-ce possible ? Comment peut-on avoir pris autant de temps à ériger un musée pour l’un des rares combats que le Canada a effectué, alors que les musées américains et anglais ont rapidement été mis sur pied après la Seconde Guerre mondiale ? Ce sont des vétérans qui ont commencé à recueillir des fonds et ce n’est que par la suite que le gouvernement s’est investi dans l’entreprise. Première source d’étonnement et je n’en suis pas à bout.
La visite de l’exposition débute par un petit film dans une salle qui nous rappelle une barge de débarquement. Intention louable de nous transporter au jour J du 6 juin 1944. Malheureusement, la salle suivante est dédiée à la géographie canadienne et à quelques renseignements sommaires sur la population canadienne d’avant-guerre. Si ce peut être pertinent pour une visite scolaire, qui doit probablement être une clientèle nombreuse pour le musée, cela ennuie rapidement les adultes et brise un peu l’ambiance que l’on cherchait à créer au départ. La preuve, alors que je continuais à explorer cette première salle, les deux couples qui ont commencé la visite au même moment que moi étaient déjà rendu dans la salle suivante, sans avoir fait le tour de la première au préalable. Pour moi, cette salle est un mal nécessaire, car le Canada n’est pas très connu et encore moins ses réalités propres à l’époque des guerres mondiales. Par contre, un effort est nécessaire afin de moins infantiliser cette section de la visite.
Par une économie de moyens tout simplement géniale, on traverse un corridor où sont suspendues de vieilles radios diffusant les différents discours de déclaration de guerre des dirigeants, dont celui de notre premier ministre de l’époque, Mackenzie King. Ce couloir nous amène à une salle où l’on traite des différents préparatifs de la guerre au Canada. Aviation, marine, infanterie et blindés deviennent la priorité canadienne. J’apprends avec étonnement que le Canada, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, passe au quatrième rang des puissances pour l’importance de ces différentes flottes, alors que notre population est relativement faible comparée aux pays européens ou aux États-Unis. Cette section du musée se termine par une salle dédiée aux témoignages canadiens du débarquement et des conditions de vie lorsqu’ils étaient au front.
Un mélange de fatalité, d’humour, de regrets et de souvenirs permet aux visiteurs de saisir furtivement les sentiments qui ont pu habiter les soldats canadiens. Manière efficace pour mettre le visiteur en condition afin de regarder un dernier vidéo, qui se termine sur une petite famille marchant sur les plages normandes. Le père demande si ses enfants savent où ils sont et pourquoi ils sont ici. On entend un début de réponse de la part des enfants et graduellement, tout ce que l’on entend, ce sont les bruits de pas dans le sable et les vagues des spectres des soldats qui accompagnent la petite famille. Le film se termine sur un fondu où l’on peut lire : « Ils marchent avec nous / They walk with us ». J’étais peut-être sensible, mais cette petite mise en scène a suffi pour me rendre tout à fait silencieux lorsque je suis allé rejoindre la plage un peu plus tard. Belle utilisation de la mémoire et de l’histoire qui interpelle et bouleverse le visiteur et l’amène à réfléchir.
Cette émotion, ce dérangement que l’on ressent à la fin du vidéo devrait être la dernière chose qui habite le pèlerin muséologique lorsqu’il termine sa visite. Non, il a fallu qu’une dernière salle soit disposée et dévoile l’éventail des activités et des cultures canadiennes. Je n’ai rien contre la volonté de faire connaître le Canada, mais serait-il possible de choisir cette salle plutôt pour accueillir les visiteurs ? Je n’étais pas vraiment disposé à écouter des vidéos sur comment les Inuits font pour sculpter ou encore sur la fabrication du sirop d’érable (ce ne sont que deux exemples sur une trentaine). Possiblement une exigence de notre gouvernement pour financer le musée…
Heureusement, je n’avais pas encore effectué ma visite guidée extérieure, qui fut enrichissante et pour laquelle je n’ai pas vraiment de commentaires négatifs à faire. Petite anecdote : le centre de commandement allemand n’a été découvert que dans les dernières années, grâce à un chien ! Alors que son maître lui avait enlevé sa laisse, le chien décida de partir explorer les dunes de sable. Il creusa à un endroit et tomba directement sur l’entrée du centre de commandement.
Les gens du Centre Juno Beach ayant été informés, ils organisèrent un rassemblement pour pouvoir déblayer le bâtiment du sable, faute de financement pour employer des professionnels. Le guide, Adam, nous a expliqué qu’il y avait probablement d’autres vestiges enfouis dans le sol. Étant donné l’absence de plans des fortifications dans la zone de Juno Beach et de la continuelle érosion des berges, leurs découvertes dépendent plus de la chance qu’autre chose. Alors que le bunker et le centre de commandement n’étaient pas du tout enfouis dans le sable à l’époque, aujourd’hui on ne voit que leur structure supérieure. Le problème de l’érosion des berges donne des maux de tête aux responsables du Centre et compromet les chances de déterrer d’autres trésors canadiens.
Terminons ce billet avec une information importante : Juno Beach est la seule zone littorale où les régiments canadiens ont attaqué les Allemands. Il s’agissait de la zone du littoral la mieux gardée après Omaha Beach.
Malheureusement la visite s’achève bientôt, le prochain billet refermera le récit de ce voyage.
Illustration : Des soldats membres des Winnipeg Rifles avant de débarquer à Juno Beach, le 6 juin 1944. Image dans le domaine public, Bibliothèque et archives Canada